Les jours où l'âme est morose, on aimerait bien que la pluie ne cesse tomber, que le temps se mette à l'enseigne et revêtisse un manteau noir d'orage. Cependant, en cet fin de mai, le temps au contraire invitait à sortir les affaires d'été, à se prélasser au soleil sur les terasses. Il faisait une chaleur du tonnerre et le goudron menaçait de fondre et de laisser les prommeneurs collés à la rue. Comme si cela ne suffisait pas, en tendant bien l'oreille, on pouvait entendre les cigales se mêlaient aux piallements des oiseaux. On pouvait entendre aussi le murmure d'une fontaine où quelques touristes agglutinés commençaient à se restaurer. La cloche s'ajouta alors cette mélodie du bonheur afin de confirmer qu'il était plus de midi passé. Bientôt la place serait envahie par les étranges qui mangeraient leur en cas et certains d'entre eux abandonneraient leur déchets sur le sol au lieu de tout simplement jeter leurs détritus à la poubelle. A ce moment-là, si un carabiniero passait , dans le coin, il irait faire son boulot, sermonner les touristes et leur coller une amende. Les autres regarderaient la scène comme s'il s'agissait d'une représentation théâtrale, donnée exprès pour amuser les hommes et les femmes en villégiature.

Sur la place, un fourgonette blanche commença une manoeuvre pour se garer, bien en travers. Sur le toit, on pouvait lire «  Gelati per tutti ». la fourgonette mit elle aussi sa musique de marchand de glace. Les premiers à l'entendre, les premiers seraient servis. Assis à la place du conducteur, le marchand de glace mit ses lunettes de soleil dans son étui , dévoilant alors un regard écarlate. On pourrait penser qu'il s'agissait de lentilles de contact seulement c'était bien sa couleur naturelle. Seul un proche aurait su alors que ses cheveux prétendus ébène étaient en fait d'une couleur aussi blanche que la neige. Le brun coupa le contact et rangea ses clefs, dans sa poche. Il se mit alors devant son stand à entendre les clients.

Plus loin, sur la place, le brun pouvait voir une foule se diriger vers une ruelle, jugée mal fréquentée par les autorités. Cela faisait bien rire le marchand de glace car depuis un certain événement, Vérone n'était plus une ville sûre. Quelque peu perdu dans les souvenirs, le brun sentit les crocs de la vengance dans son coeur. Il n'avait pas oublié. Il n'était qu'un gosse et pourtant, il avait déjà perdu des membres de sa famille : ses parents. Pourtant loin de jouer l'orphelin, loin de vouloir se complaire dans le malheur et vouloir attirer la pitié, le jeune homme continuait cette vie-là tout en s'efforçant de sourire. Ses parents n'auraient pas aimé le voir en situation de tristesse. Il s'épongea le front, servit quelques clients. Il vendit des glaces à la forêt noire, des glaces vanilles, des glaces stroumph et plusieurs autres parfum. La famille avait bien surprise d'apprendre qu'il voulait un métier simple alors qu'il était tout de même issu d'une certaine classe sociale. La vérité aussi était qu'on fait plus attention à ce que l'on dit devant un notable que devant un pauvre petit marchand de glaces.

Ainsi avait il pu apprendre certaines choses. Mais rien concernant l'affaire. L'odeur d'une cigarette allumée lui donna une envie de fumer. Il devait encore continuer sa vente afin de pouvoir faire une bonne recette. Alessandro promenait en même temps son regard sur la foule. Il put ainsi voir un pick pocket à l'oeuvre. Bougea-t-il pour sauver le portefeuille? Cria-t-il pour avertir l'homme qu'on venait de lui prendre son bien? Non, il n'avait pas envie de se mêler dans cette histoire-là. Se donner en spectacle sur la grande place, c'était pas vraiment bien lorsque l'on veut rester discret. Il s'épongea le front. Il faisait vraiment trop chaud. Il enleva son haut afin de ne rester qu'en maillot de corps noir et ne fit pas attention qu'il dévoila sa hanche droite aux curieux. Sur celle-ci , on pouvait voir une petite cicatrice. Elle ne faisait pas mal. Ce n'était rien en comparaison de celle laissée en lui.

Au bout de quinze minutes et trentes secondes, il sortit de sa fourgonette Il mit le carton «  Sottesa ». Il se mettait en pause. Lui aussi devait se soumettre au loi de la nature et nourrir son estomac. Il sortit son sandwich et mangea doucement. Pour le dessert,, il n'avait pas besoin d'aller chercher bien loin. Il se prendrait une glace. Rester à se décider pour le parfum. C'était dur comme choix, il y avait tellement de parfums et puis il faut dire qu'il aimait quasi tous les parfums sauf la menthe.
Enfin, il était peut-être qu'il se remette à bosser sauf si quelque chose ou quelqu'un ou même plusieurs personnes l'en empêchait.

Le matin, le réveil sonne et se reçoit l'oreiller dessus. Il tomba à terre et se brisa. Une main dans les cheveux de façon à tenter de coiffer le tas de noeuds, repoussant les draps d'un coup sec avec les jambes, cela sent le retard à plein nez. Eros poussa un grognement lymphatique et matinal pour à la fois constater le désordre dans sa chambre, son retard au marché et la douce paix qui envahi la pièce. Doucement il se leva, ne prenant même pas la peine de refaire son lit puis se dirigea vers la salle de bain. Il lui aura fallu trente minutes pour se laver. Trente minute. Et il n'a même pas pris son café. Bien recoiffé, parfaitement réveillé, il entama la première cigarette de la journée. Il sortit de sa demeure, prit la voiture, une belle BMW rouge nette, direction le marché...

La voiture ne poussa même pas le klaxon pour faire se pousser les gens. Elle s'empressa de se garer à une place juste à côté d'une ruelle sombre. Eros ne sortit pas de la voiture. Par contre une personne à l'air louche y entra. Les vitres de la voitures étant teintées noires, personne ne pouvait voir ce qu'il se tramait à l'intérieur. L'homme louche ressorti de la voiture avec un paquet dans les bras. Un paquet de petite taille et bien fermé. Eros sorti ensuite de la voiture pour se rendre sur la place du marché. Il enleva sa veste noire après avoir mis une liasse de billets et ouvrit à demi sa chemise blanche. Il remonta les manches puis s'assied sur un banc non loin d'une fourgonnette. Ce tas de ferrailles à son avis attirait son attention. Il se rappela dans son enfance une camionnette de la même envergure. Sans plus, bien évidemment. Juste devant ses pieds, un enfant tomba. Juste à temps il le rattrapa sans dire un mot. L'enfant le regarda en le remerciant mais ne put voir le regard d'Eros derrière des lunettes noires. Même pas un sourire non plus s'est dessiné. Eros ne put s'empêcher de lui lancer froidement :

- T'es aveugle?

L'enfant plus surpris et choqué que lors de sa chute recula avec frayeur. Eros se contenta de hausser les épaules et de regarder autour. Quelques temps après, toujours assis sur le même banc sous le soleil chaleureux, il se retrouve à discuter avec un autre homme tout en costard noir, comme s'il venait de quitter le travail quelques temps pour une urgence. Il récupéra la liasse de billet d'Eros et reparti. Personne encore ne doute de rien. Ils n'avaient même pas remarqué quoi que ce soit. Cela fit se dessiner un petit sourire de satisfaction sur ses lèvres. Et toujours derrière ses lunettes noires, il surveilla les gens autour de lui y compris la fourgonnette. Rien n'avait l'air innocent d'après lui et il surveilla les moindres petits indices, gestes et autres choses.

Un beau mois de mai normal, sans vraiment rien sortant de l'ordinaire : des touristes admirant les monuments, jouant les cultivés , mangeant des repas rapide afin de ne pas attendre des plombs dans les restaurants remplis à craquer, des vols et des jeunes gens, qui se font prendre parfois la main dans le sac. Tous étaient différents : des petits, des grands, des vieux, des jeunes, des riches, des pauvres... Pourtant tous étaient unis dans la même galère, il faut dire que l'affaire de Vérone avait fait parlé d'elle et continuait à faire parler d'elle.Les touristes curieux, véritables charognes, étaient à l'affût pour trouver quelqu'un qui leur indiquerait le lieu du massacre. Quelles têtes, ils tireraient lorsqu'ils apprendraient que le massacre avait eu lieu sur l'Adige, là où à la fin de la deuxième guerre mondiale, des membres de la famille de Mussolini avaient fusillé. Ils y verraient sûrement une ironie du Destin. Les plus superstitiuex se diraient que le lieu est maudit aussi n'y metteraient-ils même pas les pieds.

Installé près de sa fourgonette blanche, bien notable grâce à la musique qui s'en échappait, Alessandro se laissait aller à observer tout ce joli petit monde s'efforçant de vivre et de survivre, dans cette chaleur infernale. Il n'y avait donc rien pour le moment à marquer, dans sa mémoire de glacier, sans problèmes apparents et sans but autre que celui de remplir sa caisse, d'une belle recette.

Lorsque tout à coup, une BMW rouge fit son apparition sur la place. Elle avait les vitres teintés. Ah cela voulait donc dire que la personne dedans était soit une richarde , riche héritière, nouveau riche, une starlette, soit quelqu'un qui, même s'il n'avait pas le sou, voulait se la péter. Ca lui était déjà arrivé de croiser des personnes dans ce genre là alors ne riez pas. Les yeux écarlates s'attardèrent sur la silhouette, plutôt haute, qui s'en échappa. Il remarqua les lunettes de soleil, les traits endurcis. Quelque chose lui disait que ce type ne devait pas être un vendeur de paquerettes. « Il avait une tête », comme l'aurait dit sa mère, la pauvre, s'il n'avait pas rejoind Charon. Le brun se méfia, comme il se méfiait de tout le monde. Quoique il était plutôt prudent que méfiant. Si on començait à soupçonner tout le monde de vouloir faire un mauvais coup, on allait droit vers la psycholose. L'idée de retrouver le cabinet du psy ne l'enchantait guère alors il finit par se dire «  On verra ».

Le brun suivit des yeux le pédant , comme il le baptisa gentillement, dans un coin de sa tête. Voilà que le nouvel arrivant percuta un gamin et se gêna pas pour le rembarrer. Avec son air dur et les yeux glacés, Alessandro songea qu'il était bien une réplique du Capo dei Capi mais pas de la mafia italienne. Enfin, il n'appartenait peut-être pas la mafia mais bon il était pas rassurant ce type. Mieux valait éviter les emmerdes et le laisser gueuler sur le gosse, comme un putois. Si c'était ça qui le détendait , Alessandro n'allait pas chercher de midi à quartorze heures. N'empêche un autre ayant assisté à la scène, sûrement le frère du gamin, acheta deux glaces , une fraise et une vanille. La suite , Alessandro crut l'avoir imaginé car voyez vous , une des glaces alla droit sur l'inconnu en BMW.

« Wao »

Fut l'interjection qui sortit des lèvres du marchand de glace. Cet épisode le laissa un moment sans réaction et un peu hors réalité. Il fallut qu'un nouveau client se présente, un client avec chemise ouverte, cheveux longs et noirs, comme une femme ( mais bon ça il le dirait pas). Par politesse, le brun répondit

«  Bonjour »

Il hocha de la tete et commença à faire deux grosses boules de glace. Le brun aux yeux écarlates regarda mieux le gars. Ah oui c'était celui ayant empêché un jeune homme de commettre un larcin.

«  Je vous donne ça toute de suite ».

Le tout c'était de se faire discret en espérant qu'un concurrent aller débarquer pour pas que l'homme à la BMW lui refasse le portrait. Il servit alors le policier. Tout le monde était un peu trop occupé à matter l'homme a la BMW qui s'était reçu la glace pour voir qu'au fond, derrière le marchand de glace, étaient épinglés sur la paroi , des articles de journaux concernant l'affaire et aussi une photo représentant un père et une mère et leur enfant qui ressemblait trait pour trait à Alessandro. La seule différence c'était bien que sur la photo du gamin, le gamin souriait naturellement alors que maintenant le sourire d'Alessandro était un sourire forcé.

Glace. De la glace. S'en recevoir une sur la face donna à Eros une certaine expérience. Celle de savoir que cette glace est aussi froide que lui-même. Il nettoya son visage sans se donner la peine de regarder le misérable petit de roturier de qui était l'acte. Il se leva, pris le cône et le croqua. Ses lunettes, il les nettoya et les remit en disant au petit môme sans le regarder toujours et sans animosité aucune :

- Je n'ai pas à m'adresser à toi misérable petit insecte.

Le fait de ne pas être regardé questionna beaucoup le petit. Il partit en courant, croyant qu'il allait se faire tuer. Sans s'occuper du reste, Eros retira en public sa chemise tâchée, révélant son torse plutôt musclé ainsi que son collier, sa note de musique. On peut voir également les muscles sur ses bras, pas trop exagérer, cela montre qu'il aime prendre soin de sa forme.

Un oeil en coin, il regarda la fourgonnette, le marchand qui a été volé par un pickpocket - à savoir Eros l'avait remarqué mais pas bouger le petit doigt, trop occupé - et l'homme qui a défendu le volé. Il remarqua de suite les éléments importants : Faire attention. L'aidant du volé a sûrement reçu une formation pour oser s'en prendre à un voleur quel que soit la taille et l'importance. Il allait bientôt savoir à qui il allait avoir à faire. Il s'approcha de la fourgonnette. Par politesse, il retira les lunettes noires puis fixa le vendeur de glace avec des yeux froids et menaçant. Il remarqua aussi que celui qui avait aidé le marchand le fixait. Il ne voulait pas éveiller de soupçons alors il fit comme si de rien n'était.

- Auriez-vous des pommes d'amour?

Il a réellement envie d'une sucrerie. Sans blague, il aime les pommes d'amour et en voulait une pour son propre plaisir. En attendant il se tourna pour regarder le paysage. Sur la poche arrière de son pantalon ressort une carte. Une carte visiblement de coordonnées. On peut lire à moitié ce qu'il y a d'écrit :

[jpasse a l' imparfait parce que ...le présent cpas génial]

Cinquante centimes pour une pomme d'amour. Il trouvait cela presque donné. Il paya son dût pour la pomme puis une fois en main, commença à lentement la lécher. Il remercia par un geste sourd le marchand puis lui tourna de nouveau le dos. Il y avait en réalité quelque chose ou quelqu'un qu'il surveillait et dont il ne voulait pas perdre une miette. Il repéra le premier enfant, celui qui lui était tombé devant et le second qui lui a balancé la glace au visage. Puis son regard passa à l'homme en noir, au loin, a qui il avait donner la liasse de billets. Ensuite une autre personne plutôt louche qui avait l'air de s'approcher des enfants. Il en conclut à basse voix :

- Un des enfants va avoir des ennuis...

Il ne voulait pas bouger pour ne pas avoir à gâcher sa pomme qu'il n'avait toujours pas encore croquée. Et être torse nu comme ça devant tout le monde commençait à l'irriter. Il n'avait pas prévu de chemise de rechange. Il se dirigea vers sa voiture pour y récupérer une veste en skaï (simili cuir). Pendant ce temps la carte de visite tomba de sa poche dans sa précipitation non loin de la fourgonnette. Il revint s'asseoir sur le banc sur lequel il était assis sans dire mot. Les personnes qui y étaient assises venaient aussitôt de quitter l'endroit. Et soudainement, un cri d'enfant retentit. Eros ne bougea pourtant pas d'un pouce. Il a déjà prévu un plan si tout se passe bien.

Pendant ce temps de solitude, il se mit à faire le point. Il y a un marchand, un jeune homme et lui-même. Il a remarqué qu'il était le centre d'attention de la place aujourd'hui. Il fixa en premier lieu le jeune homme aux cheveux longs après avoir replacé ses lunettes sur le nez. Il sentait la loi à plein nez mais Eros n'arrivait pas à cerner quel métier.

Ce matin-là, en se levant pour aller bosser, Alessandro avait eu comme un pressentiment que sa journée allait tourner d'un étrange manière. Mettant ça sur le compte de la fatigue, il avait aussitôt repoussé cette idée saugrenue. A l'heure actuelle, il songea qu'il aurait mieux valu qu'il écoute ce que son instinct lui avait soufflé. Il y a des jours comme ça où l'on ferait mieux de rester coucher, à trainer au lit peinard. S'il avait été encore sous l'aile protectrice de sa famille, il aurait eu le droit de trainer jusqu'à midi et de prendre son petit déjeuner au lit, comme un véritable pacha. Le brun ne se considérait pas comme un rôturier, ni même comme le riche héritier qu'il était devenu. Pour faire simple, il se considérait,, comme les autres, le considérait : un original. Au lieu de goûter aux joies de la fortune, de se laisser plonger dans le sexe , dans l'avarice, dans les dépenses folles, monsieur était parti vendre des glaces sur la place. On avait considéré cette activité comme une lubie éphémère sauf que cette lubie trainait dangeureusement.

Son métier de vendeur marchait pas mal aussi il pouvait pratiquer des prix, défiants la concurrence. Le brun pouvait ainsi donc demander seulement cinquantes centimes d'euro pour une pomme d'amour et un euro vingt pour deux boules de glace. Forcément les prix comme cela attiraient les clients. D'ailleurs, des clients, il en avait pas mal. Parmi eux, il y avait les réguliers. Le gamin en faisait partie

«  S'en prendre à des faibles, y a vraiment pas de quoi en fair le fier »

Le brun prit un air complètement basé. Pourquoi les hommes voulant se prouver leur force allait se servir de pauvres énergumènes sans défenses pour servir de sac de frappe? En y réfléchissant, c'était peut etre du à un certain sadisme ou à des tendances de psychopathes. Sans le vouloir, il fit ce rapport avec la tragédie dont il avait été témoin et survivant. Oui, le ou les responsables de cette barbarie devait avoir un brin de psychopathologie. Dire que ces gens-là étaient des êtres humains. Comment pouvait-on faire une chose aussi inhumaine? A vrai dire, Alessandro n'en avait pas la réponse et il n'en aurait sans doute jamais. Du reste, il valait peut etre mieux rester dans l'ignorance afin de ne pas avoir une réédition du procès de Nuremberg où les nazis avaient opté, pour défense, explication de leurs actes, qu'ils ne faisaient que leur boulot. Le massacre des familles pouvait aussi être le résultat d'un travail que quelqu'un aurait donné à d'autres. Comme quoi les êtres humains n'étaient vraiment que des vulgaires poins, sur l'échéquier du monde, qu'il soit riche ou lépreux, ils étaient le jouet de leurs instincts.

«  Flic de médeux!!! Lache moi que je corrige ce loupio qui a tenté de me chourrer mon portefeuille »

Entendit on . Manifestement l'agresseur n'admettait pas qu'on l'empêche de corriger le gamin. Alessandro aurait dû rester derrière son stand. Mais comme les autres, il n'aimait guère qu'on s'en prenne à plus faible que lui. Il fut un temps où lui aussi avait été dans la position, impuissant , incapable de se défendre, de réagir. Il sortit ainsi de son stand après avoir mis l'argent sous clef. Il regard l'homme à la BMW rouge pour lui dire à nouveau.

«  La colère gronde... »

Par colère, il entendait les deux autres types se faufilant , sans doute, dans la foule réunie pour venir aux mains avec le flic et secourir ainsi leur acolyte. En temps normal, Alessandro ne serait pas intervenu mais il n'admettait qu'on s'en prenne à quelqu'un par derrière. Soudain, il entendit.

«  Eh t'es le gamin de L'Adige, l'enfant porte-malheur!!! »

Les albinos n'ont pas vraiment bonne réputation. On lui avait collé sur le dos cette réputation d'annonciateur de mauvais présage. Il y eut un coup, un autre..Un filet de sang qui s'échappa de sa bouche et la chute sur la BMW rouge. Pourtant, il avait répliqué . Il était prêt à le jurer, sur la tête de son pauvre père. Seulement son regard avait croisé un nounours peluche.. et cela lui avait rappelé la montagne de peluche et l'Adige.

Toutes ces altercations. Il y en avait déjà trop pour la journée. Eros avait l'intention de rentrer chez lui pour retrouver le calme qu'il connaît tant. Il se leva, finissant sa sucrerie, gardant en main la glace du flic et avança vers sa voiture. Du moins jusqu'à ce qu'il soit arrêté par le marchand tombé sur la BMW et dans les pommes aussi. Eros se retourna vers les personnes responsables. Sans dire mot, il remonta les lunettes noires sur son nez puis s'avança vers les agresseurs.

Les agresseurs dits, reculèrent tout en sous-estimant l'homme d'affaire. Toujours la glace en main, il décida de la léchouiller lentement tout en regardant en face l'un des agresseurs. Puis au final il dit d'une voix basse mais assez forte pour qu'on puisse l'entendre :

- Résidu....

Offensé l'agresseur rétorqua en faisant signe à ses potes :

- Qu'est-ce que t'as dit, connard? Eh les gars, on va s'occuper de son problème!

Rapidement les agresseurs à présent au nombre incroyable de cinq encerclèrent Eros et le Flic, qui se retrouvait également dans cette merde. Le premier qui sauta sur le flic, Eros poussa celui-ci gardant glace en main sans la faire tomber, puis donna un coup de pied au niveau des omoplates du "résidu". L'agresseur se retrouva à terre, ce qui donna le signal aux autres pour une union faisant la force. Eros eut le temps de dire :

- Les résidus...on doit rapidement s'en débarasser.

Le marchand assommé sur la voiture d'Eros avait repris connaissance pour participer à la baston. Après avoir pris le plaisir d'assommer certains des agresseurs et après une envolée d'oiseaux effrayés par le clocher qui sonnait l'heure, ils se retrouvèrent très vite dans la fourgonnette. Bien sûr ils n'étaient pas tous les trois des dieux et chacun était blessé quelque part. Eros s'était reçu un coup au visage. Il saignait au niveau de la tempe mais n'avait pas l'air d'avoir grand mal. Celui qui était le plus à plaindre...c'était le marchand mais Eros voulait surtout plaindre sa voiture.

- Peu importe la voiture.

Pourquoi peu importe? On dirait qu'il en avait en fait rien à faire de sa propre voiture. Il pouvait voir que les agresseurs avaient carrément démantelé la BM. Il n'avait heureusement rien laissé d'important à l'intérieur en ce qui concerne sa famille ou l'entreprise ou même la drogue. Il n'y avait rien de tout cela dedans.

Le calme incroyable de Eros avait surpris tellement de gens. Ne pas réagir quand il voit sa voiture en train de se faire mettre en pièce il fallait un sacré sang froid. Et étrangement Eros avait l'intention de ne pas laisser ça se passer comme si de rien n'était. Il avait décidé une fois de retour chez lui, de contacter les mafieux, de leur donner les directives pour rajouter une "correction" à ces résidus d'agresseurs. En échange il leur donnerait un paquet de pognon. Et il n'allait pas non plus contacter n'importe quel Mafioso. Mais il ne pensait que cela. Peut-être changera-t-il d'avis arrivé chez lui. Pour l'instant la tension était là. Il prit le volant de la fourgonnette sans prévenir et décida du chemin à suivre : chez lui.

*...Pourquoi faut-il toujours que je sois bonne poire ? Après tout ils ne serviront à rien*

Il y avait du long chemin à faire mais au final il arriva avec les deux autres dans sa propriété. Il gara la fourgonnette à l'ancienne place de la BM, juste à côté d'une voiture bien plus classique que la BMW. Une Alfa Romeo Noire, si propre qu'on pouvait se voir dedans et dont les vitres sont des teintées noires également.

Eros ouvrit la fourgonnette pour laisser les deux autres sortir...