Une fois encore, tout s’était passé très vite. Et Ares n’avait rien vu du voyage qui l’avait conduite où il en était. A savoir : attaché pieds et poings liés sur une chaise dans une espèce de cave à vin nauséabonde. Ares détestait le vin, et plus encore l’odeur âcre qu’il dégageait. Atteint d’un mal de crâne pas possible, il n’ouvrit pas les yeux tout de suite. Et lorsqu’il le fit, il se rendit compte que de toute façon, il faisait nuit noire. Seule la lumière blafarde d’une lampe de sortie de secours pointait légèrement à l’extrémité du boyau souterrain. Il n’y avait pas un bruit. Ares frissonna. Contre toute attente, et malgré les chaleur plombante qui s’abattaient sur la ville durant la journée, il faisait presque froid ici. Quoi de plus normal après tout…pour une cave à vin. Seul le bruit régulier de gouttes d’eau du à l’humidité ambiante résonnait en écho entre les murs pétrifié de la cave. Ares n’osa pas dire un mot. Il avait perdu la notion du temps. Combien de temps était-il resté inanimé ? il n’en savait rien. Quelle heure était-il ? Strictement aucune idée. Il soupira, essayant de se défaire de ses liens. Sans grand succès. Pourtant, la corde utilisée lui rentrait douloureusement dans la peau. Il grimaça.

Et puis bientôt, la porte qui se trouvait à l’extrémité du sous terrain, au-dessus de laquelle brillait cette fichue indication de sortie de secours, s’ouvrit en un grincement sinistre. Génial. Comment voulez vous qu’il ne se fasse pas de film après ça. Son sang ne fit qu’un tour avant de se glacer. Ares osait à peine respirer. Et puis, la lumière principale s’alluma brutalement, et Ares baissa la tête, clignant des yeux pour essayer de s’y accoutumer au plus vite. Mais il sentait son sang tambouriner dans sa tête, s’en était devenu insupportable. Lorsqu’il redressa la tête, il se rendit compte qu’une femme d’une trentaine d’années se tenait devant lui, l’air triomphant.

« C’est vrai que tu lui ressemble »

Avoua t-elle avec un sourire mesquin. Ares soutint son regard avec difficulté, mais s’efforça de ne pas s’en détourner. Il avait déjà compris qui elle était, et il s’était promit que s’il la croisait, il ne flancherai pas. Aucune haine ne l’habitait pourtant. Il voulait juste savoir pourquoi. Mais voilà, il n’était pas en mesure de parler. Il s’en doutait un peu. Et cette fois ci, Monsieur Capuleti n’était plus là pour lui venir en aide. Il s’efforça de ne pas pleurer à cette pensé. Il ne le connaissait pas après tout alors…Oui, mais non. Lui ne savait pas réfléchir ainsi. Il déglutit avec difficulté.

« Quoi que…la dernière fois que je l’ai vu…il était méconnaissable… »

Susurra t-elle à l’oreille d’Ares qui crispa la mâchoire. Il était évident qu’elle faisait allusion aux mutilations qu’il avait subites. Et il ne pouvait qu’approuver. Ares aussi ne l’avait pas reconnu tout de suite la dernière fois qu’il l’avait vu. Il ne trouva rien à dire, il aurait bien voulu lui demander pourquoi, mais les mots ne sortaient pas alors. Il garda le silence.

« Quoi… ? Tu es peu bavard, n’as tu pas idée de la raison qui me pousse à t’emmener ici ? »

Reprit-elle ouvertement amusé. Ares fronça les sourcils. Non, il ne savait pas, il n’en savait rien du tout. Tout comme il ne savait pas pour Virgil. Tout ça le dépassait complètement.

« Non, j’en sais rien, et croyez-moi, quelle que soit la raison, je vous assure que je ne suis pas très utile »

Précisa t-il la voix légèrement tremblante. Il ne croyait pas en dieu et n’y avait jamais cru. Et pourtant, il se surpris à prier intérieurement.

Ares essaya d’oublier le froid. Il ne devait pas faire plus de douze ou treize degrés ici. Et pour aggraver son cas, le jeune homme était de nature frileuse. Cela dit, il était bien trop occupé à être en détresse totale pour penser à tous ces petits détails. Il n’aimait pas cette femme. C’était d’ailleurs prévisible. C’était pas la première fois qu’il jugeait quelqu’un sans le connaître. Mais mine de rien, il la connaissait elle, peut être pas comme le stipule le dictionnaire. Mais pourtant, il savait ce qu’elle avait fait.

« Oh que si…tu va me servir. Ton frère détenait des informations nous concernant, il ne pouvait pas rester en vie sans nous causer du tort. Et toi…tu es son jumeau. Il t’en à forcément parlé, pourquoi aurais tu rencontré Capuleti sinon »

Quoi ? Mais qu’est-ce qu’elle racontait ? Ares ne comprenait vraiment rien. Il haussa les sourcils, oubliant sa peur un court instant.

« Je…je ne comprends pas. Monsieur Capuleti n’a rien à voir la dedans…Virgil ne m’a rien dit…C’était un pur hasard »

Assura t-il simplement, un peu hésitant, essayant toujours de se libérer discrètement, ne faisant qu’aggraver la douleur de ses poignets et ses chevilles meurtries. Tout ce qu’il gagna c’est une baffe monumentale qui décrocha ses barrettes qui volèrent un peu plus loin. Alors qu’il redressait la tête, sa mèche masquant partiellement son oeil, une lueur étrange passa dans son regard. La femme tressaillit légèrement, visiblement surprise par son regard.

« Je…Je N’AI RIEN A VOIR LA DEDANS ! »

Cria soudainement Ares, emprunt d’une rage surprenante qui s’estompa aussitôt. Il fallait qu’elle comprenne, si lui ne devait plus s’attacher à cette histoire, pourquoi en aurait-elle le droit ? elle n’avait pas le droit de tout mettre sur le dos de Virgil en prétendant que tout était de sa faute. Il était bien trop simple d’accuser un mort. La jeune femme éclata de rire et mit un certain temps à se calmer sous l’œil déconcerté du jeune italien.

« Ton frère à eu exactement la même réaction….avant de mourir »

Souffla t-elle plus mesquine que jamais. Elle cherchait à énerver Ares. Mais c’était une chose quasiment impossible. Il resta de marbre…ou presque. Il avait beau essayé, il n’arrivait pas à la haïr. En fait…elle faisait juste pitié.

« Et si je te tue aussi, plus de soucis. Asta la vista baby »

Elle pointa alors le canon d’un silencieux sur le front d’Ares qui ferma les yeux, s’empêchant de pleurer. Priant bêtement que quelqu’un ou quelque chose l’empêche d’appuyer sur la détente.

Nan mais vous y croyez-vous ? Un gamin photographe qui ne demande rien à personne qui en à peine une semaine prend un crime en photo, se retrouve engrainé dans une course poursuite, est alors contraint de descendre deux inconnus, reprend un crime en photo par mégarde, entame une nouvelle course poursuite, à pied cette fois ci pour se retrouver avec le type qu’il avait pris en flagrant délit la première fois…avant de finir séquestré dans une cave à vin par l’assassin de son propre frère jumeau. Même le scénariste de canal + n’aurait pas fait mieux.

Mais le fait était que c’était pourtant ce qui s’était passé. Et Ares se promis de ne plus jamais utiliser ce polaroïd. D’ailleurs, parlons en de cet appareil. Il venait de se rendre compte qu’il n’avait plus sa pochette. Il ressentit un violent pincement au cœur…c’était Virgil qui le lui avait offert. Mais à bien y réfléchir, quelle importance puisqu’il allait mourir. La détonation se fit entendre, mais bizarrement, il fût en mesure d’ouvrir les yeux et semblait bien vivant. Il compris rapidement que sa prière avait été exhaussée et un sourire de soulagement illumina son visage.

« Je vais me mettre à croire en Dieu moi ! »

Assura t-il en ricanant brièvement, alors que ses liens étaient enfin rompus. Il se massa les poignets, soulagé tout en grimaçant légèrement au vue des marques laissé par ses entraves. Il ne s’attarda pas, suivant Eros sans un mot. Ils n’étaient pas encore sorti d’affaire.

« Je te croyais mort ! »

Précisa t-il, haletant. Il n’aimait pas courir, il en avait marre de courir. Depuis qu’il avait rencontré cet homme, il passait sa vie à s’entraîner pour le marathon…Mais ce dernier repris la parole. Il cru d’abord avoir mal compris ce que lui disait le jeune homme.

« Quoi ? Non, mais pourquoi tu dis ça ?! »

Lui ? Danser ? il n’était déjà pas capable de marcher sur une ligne droite…s’il avait du danser, son partenaire avait intérêt à faire attention à ses pieds…

Ares ne comprenait plus grand chose, si ce n’était que par chance, il était encore en vie. Mais il n’était pas encore assuré que ça allait durer, alors il s’efforçait de suivre son vis-à-vis du mieux qu’il pu. Il parvinrent alors dans un vaste hall, semblable à ceux des banques Américaines. Sauf que celui ci était désert. Haletant, Ares toussa légèrement. L’effort. Ouais, il était faible et le savait. Mais qu’y pouvait t-il.

« Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? »

Eros lui avait dit de ne plus bouger. Ce qu’il fit. Mais il ne comprenait pas vraiment comment ils allaient sortir d’ici sans bouger. Tout ça le dépassait vraiment et il en avait marre. Il aimait jouer, oui, mais là…ça allait trop loin. Il avait faillit mourir une bonne dizaine de fois en une semaine. Mentalement, c’était dur à encaisser pour un pré-adulte de 20 ans à qui il n’arrive jamais rien.

C’est alors que l’homme qui se tenait en face de lui attrapa sa main droite, le ramenant vers lui en plaçant son autre main sur ses hanche en une position qu’Ares connaissait : la valse. Cela dit, c’était un peu hors contexte et ce dernier ne pu s’empêcher de piquer un fard, n’osant même pas regarder son interlocuteur.

« Que…mais qu’est-ce que tu fais »

En fait, il essaya même de se dégager, mais pas énormément, se disant qu’il devait encore s’agir d’un de ces trucs improbables. Et en effet, il avait mis dans le mille. Un piège qui nécessitait de valser ? On aura tout vu. Ares avait fixé son regard sur ses pieds pour s’efforcer de ne pas marcher sur ceux d’Eros. De toute façon, il ne savait pas danser, et comme toujours, il se contentait de suivre.

Ares ne compris pas tout, mais lorsqu’il fût enfin sorti de ce bourbier sans nom, il ne tarda pas à reconnaître les équipes de déminage. Son sang ne fit qu’un tour lorsqu’il compris ce qu’il venait de risquer…encore. Il tourna son regard vers Eros, mais ce dernier n’était déjà plus à ses côtés. Il le chercha un court instant avant de l’apperçevoir un peu plus loin, discutant avec une femme. La même qui l’avait accompagnée un peu plus tôt. Il lui adressa un bref sourire, plongeant ses mains dans ses poches, il essuya quelques assauts de questions concernant sa présence ici. Répondant maladroitement d’un air volage, il disparu alors.

Enfin, il allait pouvoir se remettre de tout ça et dormir un peu. Dormir ? Qui y arriverai. Mais une chose était sûr, il ne resterai pas dehors ce soir là. Il pris donc le premier taxi pour regagner son appartement. En rentrant, il alluma un feu dans le petit poêle à bois qui lui servait de chauffage l’hiver. Il faisait pourtant presque chaud dans la pièce. Une fois le feu vrombissant, il y lança toutes les photos compromettantes prises avant d’aller se coucher. Demain serait un autre jour. En s’endormant, il ne pouvait pas s’empêcher de repenser à ce qu’avait dit cette femme « tu lui ressemble ». Savait-elle à quelle point cela lui faisait plaisir ?

« Bonne nuit Virgil »

Prononça t-il faiblement avant de sombrer dans un sommeil profond. Décidément, il ne se laissait pas abattre…